jeudi 21 avril 2011

Philosophie métallique...

Je voulais vous parler, aujourd'hui, d'un échange (plus qu'une interview) entre Struck de Music Waves, Nicolas Walzer, sociologue, et Robert Culat, prêtre pro-metal (ou à tout le moins, pas anti-métal, et rien que ça, ça vaut le détour...), en juin 2010. Entretien qui est lisible, mais très long (mes posts à côté, c'est de la gnognotte) : http://www.musicwaves.fr/frmarticle.aspx?ID=312 (merci à MetalManiax pour le lien).
L'essentiel de cet entretien parle du "satanisme" dans le métal, sujet qui va bientôt redevenir d'actualité, comme chaque année, le Hellfest arrivant à grands pas.
Pourquoi j'écris satanisme entre guillemets? Car le terme déplaît fortement à NW et à juste titre si je m'en réfère à ses explications (une petite leçon de français qui ne ferait pas de mal à certains de nos députés fervents anti-Hellfest).
Article long, je le disais, touffu (mais pas confus) qui m'a bien fait plaisir à plusieurs titres :
·         ces personnes sortent totalement du cliché concernant le métal, très généralement répandu par des personnes qui ne savent pas, en réalité, de quoi ils parlent, que l’on peut résumer de la façon suivante : métal = bruit / métalleux =  satanistes ;
·         ils sont neutres par rapport au métal ; il n’y a pas de jugement, juste des constatations, élogieuses ou au contraire peu sympathiques, comme ici, par exemple « ce changement [de logo de certains groupes pour enlever tout symbolisme satanique] me paraît avant tout motivé au départ par la pression ambiante à la normalité, un retour de bâton inconscient et sournois des normes de notre sociétés homogénéisatrice. J’ai l’impression que c’est le même procédé qui peut expliquer le changement complet de look et de musique de Metallica avec Load et Reload. Ils éprouvaient une certaine frustration d’assumer tous les contours du métal : vestes à patchs, bière et cheveux longs. Pressés inconsciemment par des entrepreneurs de morales, ils ont décidé de montrer que le métal pouvait être sérieux » ; et bling prend ça dans ta tête…
Bref, pour une fois, je poste sur quelque chose que vous pouvez voir directement tous seuls, ne comptez pas sur moi pour vous en faire une lecture prémâchée, ce n’est pas le but de ce post, ni de ce blog…
En fait, ce qui m’a interpellée et poussée à saisir mon clavier à 10 doigts, ce sont les deux avant-dernières questions, et surtout les réponses qui y ont été apportées (partie 4).
Voilà, en gros, tout ce que j’ai toujours pensé du métal, dit par non moins qu’un sociologue et un prêtre (excusez du peu)…
NW : « tout le problème vient du fait qu’il faut une initiation pour écouter du métal. D’emblée, la première idée qui vient à quelqu’un qui écoute ce style est souvent de s’en moquer pour la voix gutturale, la musique assimilée à du bruit, etc… On se rapproche un peu de la réaction des premiers colons lorsqu’ils découvrirent ceux qu’ils appelaient les « sauvages » en Amazonie. Ce problème est vieux comme le monde car il oppose la majorité culturelle à une minorité culturelle que cette majorité veut fautivement comme sociale (sic), c'est-à-dire délinquante, dangereuse (…)
Se mettre à la place de la personne en se demandant « pourquoi il aime cette musique qui me paraît ridicule ? » Faire cette démarche de curiosité qui demande énormément à la standardisation culturelle actuelle (…) Il faut avoir l’intelligence de passer outre sa culture d’appartenance pour découvrir de nouvelles musiques qui vont pouvoir justement l’enrichir (…)
Ceux qui s’en tiennent aux clichés (…) le font avant tout par choix idéologique et choisissent de s’en persuader plus qu’ils n’en sont convaincus. Il est vrai que c’est bien plus pratique… car cela permet de faire l’économie de la pensée… Mais cette attitude est tout autant à l’œuvre en littérature et en art en général (…) »
RC : « La curiosité intellectuelle et artistique est un grand don personnel que nous avons à éveiller et à développer pour enrichir notre humanité. Et le métal n’étant pas une musique d’emblée facile, il faut une certaine accoutumance musicale, une adaptation progressive de notre ouïe pour pouvoir l’apprécier à sa juste mesure et ressentir en nous les émotions qu’il peut nous procurer (…). Le métal demande à l’ouïe du non-initié ce sens de l’effort pour aller au-delà de ce qui semble être du bruit, de l’agressivité, et découvrir finalement une beauté d’un autre type ».
Pour moi, c’est totalement ça (et Sam Dunn serait également d’accord, je pense !) ; pour aimer le métal (sauf à être né dedans, comme mes enfants, quoique je me doute qu’ils s’affranchiront, à l’adolescence, des goûts de leurs parents…), il faut en vouloir. N’est pas amateur de métal qui veut ! Ca se mérite.
Déjà, il faut s’y retrouver dans les styles (n’oublions pas que l’un des jeux préférés des métalleux est justement la classification stylistique des groupes…) ; ensuite, il faut effectivement passer la barrière du « mur du son » que peut être le métal extrême pour un néophyte, pour toucher la grâce et être touchée par elle.
J’imagine ici la tête de certaines personnes parmi mes proches en lisant ces derniers mots « touchée par la grâce ? Avec du métal ? T’as fumé la moquette ? ».
Ben non, je n’ai pas fumé (en tous cas, pas la moquette), mais ça aussi, seul un métalleux peut le comprendre…
D’où il s’ensuivrait que ceux qui n’apprécient pas le métal sont des idiots ? Que nenni ! Ils ne sont juste pas assez curieux et ils n’ont donc jamais essayé de franchir ce mur du son, finalement (ceci dit, ce n’est pas forcément une critique… On peut tout simplement ne pas le faire par simple indifférence).
Et c’est là qu’on peut faire tomber un autre cliché, dont je n’ai pas encore parlé ici, et qui se résume à « métalleux = QI au ras des paquerettes ». En fait, je considère que c’est plutôt l’inverse… Les métalleux sont souvent des gens curieux ; pas dans le sens « bizarres », mais plutôt « qui cherchent à approfondir un dogme quelconque avant de porter un jugement quelconque sur ledit dogme ». Et quand vous cherchez à approfondir systématiquement, à comprendre pour pouvoir valablement suivre ou vous insurger, forcément, vous finissez par avoir un bagage culturel et un esprit d’analyse (et quand je parle de bagage culturel, je ne pense pas seulement à de la culture musicale).
Pour schématiser à l’extrême, un petit extrait de Wayne’s world (version anglaise, mais je suis sûre que vous comprendrez…) : Wayne et Garth sont exactement ce que les gens pensent que sont les métalleux ; Alice Cooper est plus proche de la réalité (même si là, encore, c'est poussé à l'extrême).



J’ai beau connaître ce passage par cœur, je me fends toujours autant la poire en le regardant !
Pourquoi je vous parle de tout ça, in fine ?
Parce que, pas plus tard qu’il y a deux mois environ, mon cher et tendre et moi-même avons fini par nous fâcher (le mot est faible), par murs facebook interposés, avec son frère et l’épouse ce dernier, à cause du métal.
J’avais l’impression d’un dialogue d’adolescents prépubères « ta musique, elle est trop nulle, pis d’abord, c’est du bruit »… Et plus on essayait de remonter le débat, plus l’attaque était virulente.
Alors oui, c’est vrai, j’aurai certainement pu (dû ?) traiter cela par le mépris et l’indifférence, mais voyez-vous, je suis, en cela, une métalleuse « élitiste » (définition de NW), et s’il y a une chose sur laquelle il ne faut pas plaisanter avec moi, c’est la musique.
Il y a des musiques que je n’apprécie pas parce qu’elles sont pauvres (pensez à ce qui sponsorise les séries de l’été de TF1, voyez ? C’est ça, de la junk-music) ; il y a aussi des musiques que je n’apprécie pas, parce que tout simplement, je ne les comprends pas. Humblement, très humblement, je comprends qu’on puisse aimer, mais moi j’y « comprends » rien.
Toutefois, je n’oserai jamais dire que c’est du bruit (de la merde, pour la première catégorie, ça oui, et j’assume).
Et voilà pourquoi je n’ai pas réussi à me taire.
Et pour une autre raison aussi ; qui va aussi avec l’élitisme, mais qui se retrouve dans tous les métalleux, quelque soit leur style de prédilection : la fierté. Nous sommes des personnes éminemment fières de notre appartenance à cette musique.
Peut-être est-ce parce que consciemment ou inconsciemment, nous savons que nous avons fait preuve de courage pour passer le mur du son dont je parlais tout à l’heure… Peut-être aussi, plus simplement parce que cette musique est tellement extrême, tellement violente, que le sentiment de toute-puissance qu’elle nous fait ressentir se mue en fierté… Peut-être parce que des gens incultes nous crachent à la gueule tellement souvent, on finit par porter nos tee-shirts, nos couleurs, par défi, avec d’autant plus de fierté que les attaques sont virulentes.
Et aussi parce que nous avons le sentiment de faire partie d’une élite. Une élite culturelle, celle du métal.
Bien à vous,
Maggot
Musique écoutée lors de la rédaction de ce post : Sepultura « Beneath the Remains », Cannibal Corpse « the bleeding »

2 commentaires:

  1. MDR
    En fait, selon NW:
    "Il n’en reste pas moins vrai que du point de vue de la sociabilité on peut généralement repérer deux "tempéraments métalleux". Il y a le tempérament que nous qualifierions d’élitiste et de misanthrope. Les fans ayant ce tempérament considèrent que le Métal est bien plus qu’une simple musique. C’est quelque chose de sérieux et d’exigeant. C’est quelque chose qui finit par ne faire plus qu’un avec leur personne et leur existence. Bref, c’est un culte ! A l’opposé, nous trouvons un tempérament que nous qualifierions de "bon enfant" ou "fêtard". C’est le métalleux "heureux et grégaire". Les fans ayant ce tempérament considèrent le métal comme un exutoire, un excellent moyen de se défouler. Les plus intellectuels parleront même de catharsis ou de purification. C’est ce tempérament qui est l’héritier de l’esprit rock et plus tard hard rock. Bref le Métal ce n’est pas fait pour "se prendre la tête". C’est juste une musique, même si c’est bien sûr la meilleure du monde. Ce tempérament n’exclue pas la notion de "culte". Simplement, il la vivra généralement sur un mode "festif", très différent du premier tempérament." (In L’âge du métal, page 107).
    Perso, je me sens un peu des deux; j'ai un côté élitiste, mais en même temps, pour moi le métal c'est avant tout hyper festif...
    Bien à toi,
    Sabine

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  2. Déja quand on viens me demander ce que j'écoute comme musique, ça me gonfle. Ensuite quand on me répond : "ah t'écoute du métal, j'aime pas cette musique." à ce moment je me demande pourquoi je parle à cette personne, mais pour finir quand on me dit "ah j'adore cette chanson ça fait stiiiillll looovvveee iiiiinnn yyyyyoooouuu"
    je ne peux m'empecher de dire tiens le gars la bas il aime bien ça aussi il voudra surement parler avec toi car moi je ne parle pas aux cons ça les instruit.
    De toute manière quand tu cherche a faire découvrir ta musique généralement la réaction en face est négative alors je ne perd plus mon temps, je laisse les gens dans leur ignorance et je ne m'en porte vraiment pas plus mal.

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