mercredi 16 mars 2011

Until the Light Takes Us

Il s’agit tout d’abord de Until the Light Takes Us (jusqu’à ce que la lumière nous prenne). Je dois dire, en premier lieu, que j’adore ce titre. Déjà pour le clin d’œil qui me fait irrémédiablement penser à mes lectures récurrentes de Star Wars où les Jedi ont peur des passions qui pourraient les faire basculer vers le côté obscur…. Et j’irai même plus loin dans l’analogie ; ici ce sont des Siths qui redoutent le jour où ils pourraient basculer du côté lumineux de la force. Et là, autant vous dire que dans le côté obscur, on y est jusqu’au cou.

Tout d’abord, un petit laïus sur ce que ça raconte et après, je vous livrerai mes commentaires.

Dans les années 1990, une déferlante d’un black métal différent de celui auquel nous étions habitués auparavant, arriva des pays du Nord (Norvège, Suède…)… On appela ce nouveau style généralement black metal Norvégien, peu importe que les musiciens viennent effectivement de Norvège ou pas (y’en a en Italie, c’est dire). Un véritable Tsunami musical qui s’est déversé sur l’Europe. Un tsunami déjà parce que d’une part, ce son était révolutionnaire et a révolutionné cette musique (il y a vraiment eu un « avant » et un « après »), d’autre part parce que toutes boîtes de production/distribution s’y sont engouffrées massivement ; le death metal était provisoirement relégué dans un coin, tout ce qui était nordique, avec un son pourri et très violent trouvait grâce auprès du public. Sauf que comme tous les côtés obscurs, il s’est passé des choses pas très jolies jolies dans cette période là.

Le métal a toujours été ancré dans la noirceur, la violence, le sanglant, le diabolique (tant dans l’imagerie que dans le discours), mais là, ça passait un cran au-dessus. Comme cette couverture d’album montrant un mec qui s’est suicidé par balle. Ce n’est pas un photomontage, non. C’est vraiment un homme (ancien chanteur du groupe qui a sorti cette pochette), qui s’est vraiment suicidé et dont on a utilisé la photo pour illustrer l’album sorti après son décès. Ce n’est pas du faux, là, c’est un vrai cadavre que vous avez devant vous quand vous tenez cette pochette. Et comme le milieux se fondait sur cette violence là, réelle, concrète, palpable et que « jeux de mains, jeux de vilains », ça n’a pas été en s’améliorant. Il y eût une série d’incendies d’églises en Norvège – la seule chose qui me gêne vraiment là-dedans, c’est la perte de patrimoine, certaines églises dataient du début du Moyen-âge, étaient particulièrement bien conservées même si elles étaient en bois, ce qui a d’ailleurs conduit à leur perte irrémédiable – mais pas seulement en Norvège, il y a eu aussi quelques cimetières dévastés en France, et peut-être ailleurs, je l’ignore.

Et puis, comme si ce n’était pas suffisant, ça a été jusqu’au meurtre d’Eronymous (de son vrai nom Øystein Aarseth) par Varg Vikernes, tous deux frontmen de black metal. Varg a été arrêté, condamné à la fois pour plusieurs incendies d’églises et pour le meurtre d’Eronymous, à 21 ans de prison (il est sorti en probatoire en 2009).

Until the Light Takes Us nous parle donc de cette déferlante musicale en premier lieu – puisque ne l’oublions pas, c’est de musique qu’il s’agit avant tout – et des exactions commises à cette époque là -  par le biais d’interviews de certains des acteurs de l’époque, dont Varg (du fond de sa cellule), Fenriz (Darkthrone), et Frost (Satyricon) - ces deux derniers disant ne pas avoir participé à de quelconques incendies d'église, et assez honnêtement, je les crois. D’autres sont interviewés, ils sont nombreux, mais ces 3 personnes sont les plus suivies par les documentaristes.

J’avais entendu parler de ce documentaire dès sa sortie, mais n’avait pu aller le voir. En en parlant avec mon cher et tendre, un jour qu’il regardait un extrait, je lui dis que j’avais vraiment voulu voir ce documentaire. Quelques jours après, c’était chose faite… Qu’en ai-je pensé… Plein de choses à vrai dire… réflexions que je vous livre dans la foulée…

§      Fenriz d’abord. Fenriz, je dois l’admettre, m’a beaucoup touchée, tout en me laissant un grand sentiment de malaise diffus. Pas parce qu’il est black metalleux, pas pour sa part obscure (je suis mariée à un black métalleux, l’obscur ne me gène pas particulièrement). J’ai trouvé cet homme seul, terriblement seul. Je sais, je suis bizarre, mais j’avais envie de le serrer fort dans mes bras, d’apaiser cette tristesse indicible que j’ai sentie en lui. On le voit à un moment avec une nana, mais franchement, si j’étais un mec, j’en voudrais pas même pour passer le temps ; oui, je l’ai senti seul. Il faut dire aussi qu’il était filmé souvent seul ; mais je ne ressentais pas sa solitude comme voulue, bienfaisante, plutôt comme subie et mortellement nocive. Peut-être me suis-je calquée sur lui, je déteste la solitude, je déteste être seule (et là je ne parle pas seulement de personnes humaines : si j’ai un bon livre, je ne suis pas seule) ; mais mon cher et tendre ayant eu le même sentiment, je pense que ce que j’ai perçu était réel. Sortez tout de suite de votre tête l’image du romantique écrasé par son environnement, dépressif à souhait (à la gothique), je vous parle là d’une vraie solitude, celle qui fait mal. Et puis son environnement : il a l’air de vivre dans un appartement minable, d’avoir une vie morne et sans saveur. J’aurai aimé le voir sur scène (dans le documentaire), je pense qu’il doit, en tournée, revivre, se révéler, sauf que là, on ne voyait pas cette partie de lui. Les seuls moments où j’ai eu l’impression de le voir vivre était lorsqu’il répondait à un interview pour la sortie du nouvel album de Darkthrone (c’est dire), ou bien à moment où il fait un peu le con. Je me suis sentie en phase avec lui, je souffrais de le voir ainsi. Mon cher et tendre, beaucoup moins empathique et sensible que moi a lui aussi ressenti ce malaise vis-à-vis de lui. Et ce malaise va plus loin, en réalité, que tout ce que j’ai bien pu en dire jusqu’ici. Ca fait 20 ans que ce type est dans le circuit, il jouit d’une certaine notoriété, il est apprécié, voire adulé, par son public et je suis d’autant plus choquée d’avoir ressenti ça à son sujet. Et bien que je sache que le monde du métal, en dépit des apparences, est un monde où seuls quelques rares arrivent à vivre de leur musique (il en fait partie) et où règne une solidarité très forte, j’ai eu mal et j’ai eu honte.

§      Varg maintenant. Autant vous dire que si Fenriz m’a bouleversée, lui m’a mis dans tous mes états mais pas des états positifs, bien au contraire. J’avais déjà une piètre opinion de lui avant, mais depuis, comment dire, c’est encore pire – si tant est que ce fût possible ! Après avoir eu une période Sataniste (période où il est sensé avoir brûlé les églises, bien que lui dise que ce n’était pas lui ; je lui laisse le bénéfice du doute), une période nazie (on peut le trouver, sur internet, en photo en costume nazi, très aryen, bref, tout ce que je méprise au plus haut point), le voilà maintenant païen revendiquant son héritage de viking. Et de justifier les incendies non plus par ferveur sataniste, mais païenne. Il me semble qu’il a une maîtrise du retournage de veste que lui envieraient bon nombre de politiciens. Sur le meurtre d’Euronymous ensuite, à entendre son récit, c’est de la légitime défense. Je ne doute pas de tout ce qu’il dit, il aurait reçu par personnes interposées, des informations comme quoi Eronymous se préparait à l’assassiner après une petite séance de torture et qu’il aurait pris les devants pour sauver sa peau ; je veux bien croire également qu’il n’avait aucune intention meurtrière en se rendant à son domicile et que la situation a juste dégénéré ; je veux bien croire que les premiers coups étaient portés en état de légitime défense ; je veux bien croire à une altération du discernement pour expliquer tous les autres coups mais en vérité, je ne suis pas convaincue par ce qu’il en raconte. Et pourtant, je trouve ça bien de lui laisser la parole (j’aurai aimé, pour contrebalancer, le médecin légiste ou les policiers pour raconter précisément, mais le documentaire n’avait pas cet objectif, après tout). Chacun se fera son opinion.

§      Frost, enfin. Alors Frost, euh – comment dire cela gentiment ? – je pense que ce type est bon à enfermer. Oui, c’est vrai il a fait une séparation entre celui qu’il est sur scène et celui qu’il est dans la vie de tous les jours, ce que beaucoup font et pas seulement dans le métal, mais pour lui – en même temps, je dis ça, je suis pas psy – il est à un état de dédoublement de personnalité avancé. Le tout premier signe évident de cela, c’est qu’il parle de son personnage de scène en utilisant la 3ème personne, comme si c’était, justement, une autre personne et pas lui-même. Bon, on pourrait dire que c’est pour se donner un genre, soit. Mais la séparation entre l’homme et la bête de scène va beaucoup beaucoup plus loin ; elle est physique. Vous le voyez déambuler (à Stockholm je crois), il parait mince comme une feuille (un coup de vent et hop plus de Frost), sensible, légèrement efféminé, raffiné… Sur scène, c’est une brute épaisse, musculeuse, masculine et virile au plus haut point (ça existe un torse gonflable, je ne vois que ça… ?). Sur Youtube, on trouve un extrait très parlant de cette dichotomie de Frost, où on le voit parler, déambuler, et où on le voit à une « performance » (d’un goût assez douteux sur la fin).


Bref, ça c’est pour les aspects qui m’ont secouée…

En même temps, je ne peux m’empêcher de repenser à Gordon, un ex néo-zélandais, batteur de black, métalleux donc, qui m’avait dit une jour « si t’écoutes cette musique, c’est qu’il t’est arrivé quelque chose. Aucun vrai métalleux n’est intact »… Et je dois admettre que c’est vrai. Les métalleux (je veux dire ceux qui écoutent cette musique plus longtemps que le temps d’une passade adolescente) sont des écorchés vifs ; et le métal est certainement, pour certains d’entre nous, la seule résilience, le seul moyen de rester en vie.

Maintenant, il n’y avait pas que ça ; j’ai adoré ce film, en fait, et au-delà de sa dimension historique, retraçant les dérives d'un genre, j'ai aimé aussi parce que 

§       il y a des moments bien délires… Comme cette scène où Frost prend l’avion et un petit garçon est assis à côté de lui ; visiblement ce dernier a très peur du premier… un autre où ils interviewent Immortal genre lunettes noires « bonjour, je suis une star »… Enfin, toutes les personnes à qui ils demandent « et vous, vous avez brûlé des églises ? » « nous, non… Mais ça devait être cool ! » Bref, j’ai bien ri ;

§      et parce qu’il m’a reconnectée avec ce que j’aime le plus au monde (en dehors de mon cher et tendre et de mes enfants) : le métal.

Official Trailer:
Bien à vous,
Maggot

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